الخميس، 17 يونيو 2010

Mohamed Albensir

Mohamed Albensir
Mohamed Albensir est l’un des plus grands rays contemporains. Ce fils de boucher est né en 1937 à Tamsoult, dans le territoire des Ilbensiren (Haut-Atlas occidental). Il a le parcours classique de tout jeune Amazigh du Sud du Maroc (école coranique, randonnées pastorales derrière le cheptel familial) mais il est happé très jeune par le monde de la poésie et de la musique. Il fait preuve dans les cérémonies d’ahwach d’un don poétique exceptionnel. Il tient ainsi tête dans les asays (place villageoise où s’exécute l’ahwach) aux plus grands poètes de sa région. Fort de cette expérience, il rejoint en 1958 les troupes des chanteurs Amentag et Ahrouch. Il s’attache alors à mieux maîtriser la vielle monocorde ribab qui caractérise la tradition des Rways.
Après quelques années d’exil en Allemagne (1961–1964), il retourne au Maroc pour devenir chanteur professionnel. Dès 1965, il commence à enregistrer des albums. En 1969, un terrible accident de la route le rend paraplégique. Il s’installe alors à Casablanca auprès de la plus importante communauté émigrée chleuh. Composant et chantant en tachelhit, il acquiert une renommée au sein de sa communauté et parmi les auditeurs de la section « dialectale » (qism allahajat) de la radio nationale. Il chante, à côté de thèmes sociaux et affectifs, sa colère de l’attitude méprisante des autorités envers les Amazighs et leur culture.
La contestation a marqué la trajectoire poétique et militante d’Albensir. Il a certes chanté, au début de sa carrière, la gloire de la monarchie et de la nation, mais en vain : l’indifférence des représentants de la « nation » chantée et glorifiée le conduit à prendre conscience de la position dominée et marginale de son métier et, partant, de sa culture amazighe. Devant le mépris opposé à son art, Albensir ne se résigne pas. Il passe à la révolte et exprime dans un langage clair son attachement à sa culture natale. Ainsi, il compose au début des années soixante-dix une chanson-poème où il exprime toute sa déception et sa colère envers un pouvoir méconnaissant :
men wâhd ustin a nettmjjad agellid
ullah amk izdâr ad ax ifek mqqar d lebcklîd
Depuis 1961, nous n’avons pas cessé de faire éloge du Roi
Hélas, nous ne sommes jamais récompensés.
Selon lui, le pouvoir n’est pas simplement indifférent, il est aussi aliéné puisqu’il ne reconnaît de la chanson que celle exprimée en arabe par des nationaux ou des Égyptiens comme Abdelhalim Hafiz et Abdelawah. Cette attitude ravive chez lui le sentiment douloureux de la marginalité. L’État, chante-t-il, ignore les chanteurs chleuhs dont il se sent le porte-parole. Il ne « nous » réserve, poursuit-il, qu’une mort indigne et silencieuse dans les marges de la cité comme des chiens errants (zun d igh immut uydi gh umedduz). L’humoriste chleuh Abdallah Anidif résume ainsi la place de la culture amazighe dans les média : Tumêz tcelhît gh lidaàa uncek lli tamêz lebcklît gh ccanti (la place qu’occupe tachelhit à la radio est la même que celle d’une bicyclette sur la route).
Loin d’abandonner sa « petite tradition » poétique pour s’intégrer dans la « haute culture » imposée, Albensir est le premier rrays à chanter la langue amazighe. Il déclare ainsi son inscription dans la marginalité :
Rebbi zzayd làezz i tcelhît
Nettat as ligh atig innagh sawelgh
Ô Dieu ! Honore bien ma langue,
Avec le chleuh, je suis revalorisé, estimé auprès des miens.
Attentif aux mouvements sociaux, les chansons du rrays, en particulier celles qui font allusion à la situation politique, sont parfois à l’origine d’intimidations et persécutions. En 1982, il est emprisonné durant une semaine en raison de sa chanson aggurn (la farine), très critique du gouvernement après « les émeutes du pain » (suite à la terrible sécheresse de 1981). Une autre de ses chansons, sur la mosquée de Hassan II, vilipende sans ménagement le gouvernement et ses pratiques oppressives.

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